• [Ecole] La salle de gym connectée... On en parle dans la presse

    article de La Libre Belgique (Bosco d'Otreppe, 22 décembre 2017)

    Des écrans interactifs permettent au prof de sport de varier ses exercices et même de faire appel aux maths ou à la grammaire dans son cours.

    C’est un peu comme si je faisais entrer mes élèves dans un iPad ou dans un jeu vidéo", sourit Diego Molina Fueyo, le professeur d’éducation physique de l’école communale maternelle et primaire du "Paradis des enfants" à Etterbeek. Devant lui, ses jeunes élèves exercent leur rapidité, leurs placements et leur précision en interagissant entre eux, avec des ballons et avec deux immenses écrans interactifs projetés sur plusieurs murs de la salle de gymnastique.

    Apprendre à mieux se placer

    Les effets sont étonnants. Lorsqu’ils lancent une balle contre une cible par exemple, celle-ci explose instantanément, se multipliant ou gagnant en rapidité. Et les exercices sont nombreux. "Regardez celui-ci, c’est une carte de l’Afrique, éclatée en de multiples parties, comme un puzzle, que les élèves doivent remettre dans l’ordre en interagissant avec l’écran, explique le professeur. Si dans ce cas-ci il s’agit de la carte qu’ils étudient en géographie, je peux faire la même chose avec une ligne du temps historique, ou des exercices de grammaire ou de néerlandais. En fait, cet outil me permet de faire de l’interdisciplinaire, ce qui sort un peu le prof d’éducation physique de son isolement par rapport aux autres enseignants. Un autre vrai avantage est que nous associons ici le sport, et des connaissances qu’ils apprennent dans un autre cadre. Cela permet de combiner plusieurs sensations et parties du cerveau. C’est bénéfique, ne fût-ce que pour la mémorisation."

    Munie d’une caméra qui permet d’analyser où sont placés les élèves, et qui synchronise l’écran à leurs gestes, l’installation, impressionnante, n’est cependant pas l’alpha et l’oméga du cours d’éducation physique de demain. Elle se présente comme un outil ponctuel qui accroît les possibilités, permet de diversifier les exercices, de les adapter en fonction des différentes tranches d’âge, et d’augmenter leur efficacité. "Quand je demande aux élèves de viser un cône avec une balle par exemple, nous réalisons 20 lancers en 5 minutes, le temps d’aller rechercher la balle, ou de remettre le cône en place. Ici, nous multiplierons par dix le nombre de ces lancers en rendant le tout plus ludique. Les interactions avec l’écran offrent aussi aux élèves d’apprendre à mieux se situer dans l’espace et face aux autres, poursuit Diego Molina Fueyo. Notons aussi que l’écran peut être branché sur Internet et offre, par là, une multitude d’applications possibles."

    Avec l’aide de l’association de parents

    Le dispositif provient du Canada où il a conquis en quelques mois une cinquantaine d’écoles. L’installation à Etterbeek, encouragée par l’enseignement d’éducation physique est la première en Europe. "Nous avons été conquis par les potentialités de l’outil qui présente les bons côtés du numérique, se réjouit Vincent De Wolf (MR), le bourgmestre de la commune. Comme il coûte 20 000 euros, et que les budgets étaient déjà bouclés, nous avons travaillé en partenariat avec l’association de parents qui a financé la moitié de l’installation. Nous espérons pouvoir l’installer à terme dans les cinq écoles communales d’Etterbeek."

    En fin de cours, les élèves, divisés en deux équipes, les "tigres" et les "aigles", se lancent dans un handball amélioré. L’objectif est de réaliser le plus de passes avant de lancer la balle sur l’écran adverse. Mais il faut être sûr de soi. Si la balle rate sa cible, l’écran est gelé, et il faut reconstruire une action entière avant de pouvoir retenter sa chance. Sous de la musique et des projecteurs de couleur qui s’activent en fonction des actions, les élèves accélèrent leurs passes alors que le sablier se vide. "Cela les motive pour se dépasser, s’amuse l’instituteur. Et si l’on veut, grâce à la connexion Internet et pour des autres jeux, on peut même organiser des compétitions avec des écoles sur d’autres continents."

    Il faudra du temps pour que le numérique trouve vraiment sa place

    Dans l’école du “Paradis des enfants”, il y a des tableaux interactifs dans toutes les classes depuis trois ans. “Et si j’en enlevais un seul, je subirais une bronca de la part de tous les enseignants, assure le chef d’établissement. Ils les ont adoptés et construisent leurs cours en fonction, grâce notamment aux formations qu’ils ont suivies.”

    Si le “Paradis des enfants” bénéficie d’un équipement numérique développé, toutes les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peuvent pas en dire autant. Certaines n’ont pas les moyens nécessaires pour installer un tel équipement, et d’autres avancent prudemment, pas toujours convaincues des apports pédagogiques qu’offre le numérique actuellement. L’installation de tels outils n’est en effet jamais anodine. Elle interroge le rapport au savoir, et les interactions souhaitées entre enseignants et élèves. Au sein des salles des profs, les débats sont nombreux à ce propos, certains souhaitant faire de l’école un lieu préservé de l’omniprésence des écrans.

    L’indispensable formation

    Spécialiste en la matière, et partisan de l’implémentation progressive du numérique dans l’éducation, le professeur de l’UCL Marcel Lebrun observe que celle-ci se répand néanmoins progressivement depuis dix ans.

    “Mais attention, nuance-t-il, il ne suffit pas de dire que l’on met des outils dans les classes pour que la pédagogie soit bouleversée. L’outil ne transforme pas tout de lui-même, et en matière de numérique il faut être patient. Toutes les grandes révolutions ont demandé du temps, parfois des siècles pour être comprises. Le numérique n’a que quelques dizaines d’années.”

    Il en est convaincu également, sans déléguer l’enseignement à la seule technique numérique, celle-ci ne peut plus être ignorée de l’école qui a le devoir de préparer le jeune au monde de demain. “Pour que son intégration soit bénéfique, il faudra cependant que la formation des enseignants ne considère plus le numérique comme un point parmi d’autres. Je ne dis pas qu’il faut balayer tous les cours au profit de cours d’apprentissage au numérique, mais je souhaite que celui-ci soit pensé de manière transversale dans l’ensemble de la formation des enseignants”, conclut le professeur.

    Alors qu’une réforme de cette formation est à l’étude, les étudiants lancent le même appel. “Le numérique n’est pas assez présent dans le supérieur ni, du coup, dans la formation des enseignants. Certains professeurs l’utilisent, mais cela ne fait pas encore partie d’une politique globale, regrette Olivier Coppens, président du syndicat étudiant Unécof qui souhaite en faire une priorité. “La pédagogie, dans le supérieur, n’a pas encore été repensée en fonction de ce que permet le numérique.”

     

     [L'article ainsi que les deux vidéos des interviews de Messieurs De Wolf et Molina Fueyo sont disponibles dans l'espace "téléchargements" du site de l'école.]

     

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